Coucher de lune
Il est trois heures du matin en Guadeloupe quand Bernard Stamm joint son équipe à terre pour annoncer son approche de la ligne. Tout le monde debout, à l’heure du laitier, quand se croisent les lève (très) tôt et les couche tard, bonjour, bonsoir, c’est parti dans la nuit, les bateaux qui vont à sa rencontre filent vers Basse-Terre. Une lumière blanche en tête de mât, un bateau fantôme qui surgit, Cheminées Poujoulat est bien là. «Vous avez un bien joli bateau dites donc !» nous dit alors un Bernard Stamm visiblement heureux d’arriver enfin au terme de cette Route du Rhum-La Banque Postale. La lune est levée et le ciel constellé d’étoiles, les photographes et cameramen se régalent de cette ambiance féerique sur le plan d’eau. La soufrière a déjà son couvre-chef de nuages, mais c’est juste un petit chapeau élégant qui change du ciel plombé et des grains à peine interrompus qui régnaient sur la Guadeloupe depuis trois jours. «Je vous ai ramené le beau temps» s’amuse encore Stamm qui progresse tranquillement vers la ligne mouillée devant Gosier. Aucune arrivée n’a été vraiment simple jusqu’ici et Bernard ne sera pas épargné avec une disparition soudaine du vent à quelques encablures de la ligne. La lune se couche alors, elle est pleine et rousse, Cheminées Poujoulat franchit la ligne.
Mettre du charbon
Il est tout sourire Bernard, pourtant cette première participation à La Route du Rhum-La Banque Postale n’aura pas été une mince affaire. Parti comme une fusée et aux avants postes très rapidement, Cheminées Poujoulat s’est dérouté de sa belle trajectoire pour aller réparer son avarie de barre aux Açores. Il lui a fallu, du coup, traverser la bulle anticyclonique que tous cherchaient à éviter. Quelques heures d’escale et la barre réparée, Bernard est revenu en course avec la ‘niaque’ qui le caractérise. Tel Pac-Man, il a remonté les uns après les autres les bateaux qui le précédaient et est passé de la 31ème place à la 9ème, sur la ligne d’arrivée ce matin. On peut imaginer l’énergie que Bernard a dû déployer pour réussir ce challenge qu’il s’était fixé. « Il faut être dessus tout le temps » résumait-il en touchant terre, « mettre du charbon, la course reprend ses droits et il faut y aller. C’est sympa quand ça fonctionne comme ça, d’autant plus que c’était une transat compliquée, sans alizés, mais très intéressante, même si l’objectif au départ de Saint Malo, c’était la victoire ».
André Prunier, le directeur commercial de Cheminées Poujoulat, particulièrement impliqué dans le projet voile du Groupe depuis le début de l’aventure, ne cache pas son admiration pour la pugnacité de son skipper, ému et pudique, c’est par un ‘merci’ qu’il a accueilli Bernard au ponton du bassin de la Darse.