« Un départ de course, c’est un moment toujours particulier. Surréaliste même car on ne pense jamais aux mêmes choses que les gens qu’on laisse à terre. On fait des signes de la main mais la tête est déjà ailleurs, focalisée sur la course. Un départ, c’est aussi généralement un peu de stress. D’abord parce qu’on a à coeur de bien faire et que bien partir, ne pas être lâché d’entrée de jeu, c’est important », détaillait Bernard Stamm, peu avant des larguer les amarres, ce mercredi à la mi-journée. Le fait est que le départ d’une transatlantique n’est jamais anodin. C’est d’autant plus vrai pour cette 10e édition de la Transat Jacques Vabre, retardé de trois jours et deux heures et pour lequel il a fallu parvenir à rester concentré. « Ce report, c’était un peu comme un croche-patte au départ d’un 100 mètres. Il a fallu se remettre vite et bien dans les starting-blocks » commentait le skipper suisse. A commencer par une nouvelle étude de la météo. « Au lieu de partir contre la dépression qui a occupé tous les esprits en fin de semaine dernière et qui a poussé les organisateurs à décaler le départ, nous partons dedans. Ce sera moins la « cata » que si nous étions partis dimanche mais ce sera tonique ».
Tonique mais aussi humide et avec peu de visibilité. Car en poursuivant leur route vers le nord du Cotentin, c’est-à-dire dès ce soir, Bernard et Jeff vont voir le vent progressivement se renforcer pour atteindre 30 noeuds – jusqu’à 40 dans les rafales. Une entame d’autant plus raide que la pluie et la mauvaise visibilité ont prévu de s’inviter à la fête. Pire, après ce front demain en sortie de Manche, alors que le vent se rétablira au sud tout en restant costaud (entre 25 et 30 noeuds), la mer deviendra particulièrement dure puisqu’elle sera composée d’une grosse houle d’ouest de 3 à 4 mètres et de vagues liées au vent de 2 à 3 mètres. « Le terrain de jeu sera vraiment dégueulasse ce qui promet quelques jours un peu pénibles. Il faudra réussir à placer le curseur au bon endroit, trouver le bon rythme et les bonnes configurations de voile. Ce sera un peu le baptême du feu pour Cheminées Poujoulat dans ce genre de conditions car depuis sa mise à l’eau, il n’a jamais affronté de très grosse mer. Je suis curieux de voir comment il va se comporter dans une situation relativement extrême. A bord, nous avons tout passé au crible plusieurs fois pour être sûrs de ne rien louper car dans le mauvais temps, même le truc le plus petit et basique qui casse peut avoir de lourdes conséquences. Là, c’est certain, vu la météo, nous allons aller vite. Très vite même. Nous risquons bien d’être rapidement plus sous-marin que bateau et du coup, bien balloté. » N’est-ce pas d’ailleurs Jean Maurel, le directeur de course en personne qui lâchait aux concurrents ce matin lors de l’ultime briefing météo de l’organisation : « j’espère que vous être en forme les gars parce que ça ne va pas être facile ». Facile non, mais passionnant oui.