24 000 milles à parcourir, un enchaînement d'océans, de caps et de difficultés notoirement connues. Vu de la terre, on a tendance à se dire que compte tenu du menu proposé aux concurrents du Vendée Globe, une entrée en douceur s'impose. Mais c'est mal connaître les compétiteurs qu'ils sont. Ainsi, depuis samedi 13h02, une bagarre, une chevauchée atlantique s'est engagée. Bien décidé à faire valoir ses droits sitôt le coup de canon donné, Bernard Stamm n'a pas manqué le rendez-vous. Premier leader de la flotte dès le classement de 15 heures, il n'a de cesse, depuis, de jouer sur le devant de la scène, et ce, malgré les conditions très prononcées dans le Golfe de Gascogne. 25 à 30 nœuds de vent, une mer très chahutée, rien n 'a été épargné aux solitaires. Contacté ce matin par son équipe à terre, le skipper de Cheminées Poujoulat est revenu sur ces premières heures de course : " Dans le Golfe de Gascogne, la mer était extrêmement mauvaise. C'était de la très grosse houle. On s'est fait un peu brasser jusqu'au Cap Finisterre. Après on a envoyé le spi et c'était de la descente le long du Portugal. C'était pas mal. Je ne pense pas encore avoir trouvé mon rythme. C'est extrêmement physique. Il ne faut vraiment pas se tromper de voile parce que c'est soit de la route au mauvais endroit soit énormément de travail pour rechanger. C'est donc important d'être bien sur l'analyse météo et de bien anticiper ".
Une molle avant d'entrer dans le dur !
De météo et d'anticipation il est justement question depuis plusieurs heures sur l'Atlantique. Les concurrents doivent en effet affirmer un premier positionnement stratégique. En cause, la nécessité d'aller chercher un front et donc de la pression dans l'Ouest, afin de soigner la suite de la descente dans les meilleures conditions. " On va vers une transition et on fait de l'Ouest pour aller chercher un front. C'est un peu comme ce qu'il se passe généralement au départ, dans le Golfe de Gascogne, mais là c'est au Sud du Portugal. On va aller chercher ce front à l'Ouest et aller chercher le vent de Nord Ouest fort qu'il y a derrière ". Mais avant ce phénomène recherché et synonyme de vitesse, il leur faut négocier une dorsale générant des vents faibles. Peu de vent dans un premier temps, un net renforcement à suivre, autant dire que la vigilance sera de mise pour ne rien casser. Face à ce scénario, certains, comme Vincent Riou, ont choisi de jouer les extrêmes et de partir au front les premiers. Bernard Stamm, a quant à lui privilégié un peu plus longtemps sa trajectoire sudiste pour gagner sur la route, avant d'appuyer en douceur son sillage pour se ménager le meilleur des compromis. Les prochains pointages devraient commencer à donner des éléments de réponse sur le bien fondé des différentes versions, mais en attendant, le Suisse garde une belle vitesse quand d'autres jouent la partition au ralenti.
Un potentiel confirmé
On l'aura compris, le début de course de Bernard Stamm est à la hauteur des attentes nourries depuis de longs mois. Ces trois premiers jours de mer sonnent aussi comme la validation de ce que l'on pressentait depuis les derniers entraînements en baie de Port-La-Forêt. Le seul plan signé Juan Kouyoumdjian fait peut-être figure de dissident, de bateau physique mais il n'en démontre pas moins un énorme potentiel. Un constat qui ravit le skipper de Cheminées Poujoulat qui garde toutefois toute sa lucidité sur la question : " On est assez en dessous des potentiels des bateaux je pense, parce que c'est une course autour du monde. Il faut mettre le curseur au bon endroit, ne pas prendre de risques. Tout ce qu'on perd le long de la route, on ne le retrouve pas ou alors il faut réparer, bricoler. Il faut vraiment faire attention. Il y a déjà des petites bricoles qui se mettent en place. Il faut être vigilant. Je suis content du comportement du bateau. Par contre, il faut se méfier de ceux qui sont derrière quand même. Je sais qu'il y a largement assez de potentiel pour aller à la vitesse où on va maintenant ".
Heureux en mer, prudent et lucide, Bernard Stamm est bien dans son Vendée Globe. D'ici quelques heures, il aura définitivement pris son rythme et pu caler un sommeil qui s'est fait volage sur les 36 premières heures. Mais à bord de Cheminées Poujoulat, le tour du monde est en marche.