On le sait, le Pot au Noir est souvent le premier écueil de taille à l'échelle d'un tour du monde. En la matière, le cru 2012 n'entend pas faire mentir les prédictions. Des nuits sans lune, des trombes d'eaux sous les grains et des bascules de vent aussi fréquentes que radicales... le menu a de quoi en rebuter plus d'un. Quelques jours avant de quitter la Vendée, Bernard Stamm se confiait, en marin d'expérience, sur ce passage obligé qu'il décrivait alors comme l'un des pires moments du tour du monde, tout au moins le plus aléatoire : " C’est l’endroit de la planète où, dans notre sport, on doit composer avec le facteur chance. On peut trouver plus ou moins où passer pour limiter le coup de frein, mais là-dedans, il faut avoir de la chance. Les gens parlent souvent des tempêtes des mers du sud, mais le Pot au Noir c’est encore plus compliqué. On risque plus de casser du matériel que dans le sud. Au lieu de passer de 55 à 65 nœuds de vent, ce qui est déjà une belle tempête, ça passe de 0 à 40 nœuds. Ce n’est pas vraiment pareil. Il y a une situation où le grand spi est en rideau et l’autre où c’est tourmentin – 3 ris ".
Une nuit d'enfer !
Confronté à ces conditions de navigation dénuées de tout confort et de toute logique, Bernard Stamm compte désormais les heures avant la sortie. En attendant un épilogue sans doute proche, la politique du bord est avant tout à la préservation du matériel, quitte à prôner l'économie côté toile. Contacté par son équipe ce mardi, le skipper de Cheminées Poujoulat dépeignait le tableau des heures passées : " On a passé une nuit d’enfer. Nuit noire, déluge et grains incroyables avec des bascules de vent incessantes. C’était fou. Là, ça se calme un peu car on voit enfin la mer et les nuages mais ça reste un exercice. Ca va dans tous les sens et faire de la vitesse là dedans, ce n’est pas bon. Je suis très sous toilé, mais ça tape quand même, le matériel souffre. Côté température, ça va encore, il n’a pas fait beau du tout, il est tombé des trombes d’eau donc ça a plutôt rafraîchi. Il fait 25 - 30 ° ce n’est pas la canicule. C’est incroyable ce que ca demande d’énergie, c’est incessant, il faut vraiment pouvoir se reposer et se nourrir, sinon c’est la misère ".
Cinq en moins de deux milles
Difficile à vivre pour un marin qui souffre avec son bateau, cette traversée du Pot au Noir a au moins l'avantage de ne pas avoir éparpillé les troupes. Ainsi, s'il garde les devants, Armel Le Cléac'h n'affiche plus que 26 milles d'avance au compteur. Derrière, cinq marins et non des moindres sont au coude à coude, ferraillant en moins de deux milles et se tenant à vue. Impossible alors de dire qui tirera son épingle de ce jeu de hasard : "Pour l’instant on est en paquet, je suis même en route collision avec un autre (il ne va pas falloir qu’on se rentre dedans) et on est trois bateaux à vue. Je ne les ai pas identifiés mais c’est possible que ce soit Macif et PRB. Alex a pris les choses dans le bon sens, au lieu d’avoir du vent au près on a du vent portant et il peut y avoir de grosses différences. J’espère sortir de ce Pot au Noir dans la journée, ce serait bien que l’on n’ait pas encore une nuit comme celle-ci. Le risque de voir Armel s’échapper devant existe mais le plus gros risque c’est de casser du matériel. Il faut s’imaginer, nuit noire, on ne voit pas l’avant du bateau et le vent passe de 0 à 35 nœuds en peu de temps et tout cela sous une pluie battante ".
D'ici peu, la zone de convergence intertropicale aura livré un premier verdict, distribué des bons points ou quelques punitions. Un moment, quoi qu'il arrive, que Bernard Stamm et Cheminées Poujoulat attendent avec la plus grande des impatiences.