Bernard, n'êtes-vous pas trop fatigué ?
Oui, je suis quelques fois épuisé. Les jours où il y a beaucoup de manœuvres à effectuer je suis très fatigué. J'essaie, quand c'est plus calme, d'aller me reposer autant que je peux. Je dors par petites tranches d'une demie heure. En ce moment ce n'est pas très très physique, bien qu'il y ait quelques changements de voiles, mais c'est pénible nerveusement. Le vent n'en fait qu'à sa tête et comme c'est mon moteur, je suis dépendant de ses humeurs.
Avez-vous des contacts avec les autres participants ?
J'en ai eu avec François Gabart parce qu'à un moment donné nos routes allaient au même endroit, il avait donc possibilité de collision. On voulait juste savoir si l'un avait vu l'autre. Nous en avons profité pour nous dire bonjour et échanger quelques mots, mais c'est tout.
A quoi pensez-vous le plus souvent ?
Le plus souvent, je me demande comment je pourrais faire pour aller plus vite et comment prendre un raccourci, ça c'est pour la course. Autrement je pense à ma famille, mes amis, mon équipe. Toutes ces personnes je les ai quittées pour un bon moment. Elles me manquent beaucoup.
Combien de repas faites-vous par jour ?
Un seul vrai repas chaud par jour, parfois deux, mais ça n'est pas encore arrivé depuis le départ. Sinon, il y a des choses que je peux manger facilement comme les barres de céréales. Autrement je prends un petit déjeuner tous les matins, comme à la maison. Céréales ou crème de caramel ou vanille, c'est spécialement conçu pour ceux qui font du sport.
Avez-vous vu des animaux marins ?
J'ai vu quelques beaux regroupements de dauphins. Pour le plus gros, je pense qu'ils étaient une vingtaine. Et il y a quelques jours, j'ai vu, rapidement, une petite baleine à 50 m devant l'étrave.
Quel est le cap (Bonne Espérance, Leeuwin, Horn) qui vous fait le plus peur?
Je ne dirais pas qu'ils me font peur, je dirais que j'ai plus ou moins de méfiance pour ces endroits. Et clairement celui dont je me méfie le plus est le cap Horn. Déjà, parce que nous passons tout près, ce qui n'est pas le cas des autres et ensuite le cap Horn est spécial. Il fait clairement la frontière entre deux océans, il y a une remontée des fonds marins brusque à son approche et puis la présence de l'antarctique n'est pas très loin. Tout ça, avec la fin de la cordillère des Andes, cette chaîne de montagnes qui prend fin à la Terre de Feu, fait qu'il peut y avoir des phénomènes météorologiques très violents. C'est un peu technique, mais en gros l'endroit est propice aux tempêtes et pas des petites.