C'est hier soir à 18h 46mn 40s (heure de Paris), que le Suisse a salué le cap de Bonne Espérance et marqué avec lui le passage de l'autre côté d'une frontière symbolique. Le voici bel et bien au Sud, sur ce terrain de jeu familier qu'il attend avec impatience à chaque fois qu'il prend le départ d'un tour du monde. En guise de comité d'accueil, les éléments et son positionnement en avant d'un front dépressionnaire se sont alors chargés de le plonger dans le vif du sujet : " C'est animé. On est au portant, juste devant un petit front ce qui fait qu'on est régulièrement baigné de mètres cube d'eau qui nous passent dessus. Là ça glisse. Il y a eu des moments, quand le vent est rentré, où la mer était très chaotique et le bateau faisait des sauts de vagues. C'était impressionnant ! On avait l'impression qu'il se disloquait à chaque descente de vague. Il fait encore beau mais ça ne va pas durer. Quand le front va passer, il devrait y avoir de la pluie et de la grisouille. Après on sera derrière ce front avec du vent fort et du coup ça va continuer à aller vite et dans le mauvais temps ".
Forçat du large
A bord, la caisse à outils a retrouvé sa place, laissant alors au marin toute latitude pour exprimer son talent et exercer son vrai métier ; celui de stratège, de charrieur de voiles considérablement alourdies par les tonnes d'eau qui s'abattent sur le pont. Un travail de forçat qui reste pourtant presque une récompense comparé à l'obligation de réparer une voile ou un hydrogénérateur : " Ces dernières 24 heures, il y a eu changement de voiles, des empannages et du coup quand on dit changement de bord, on dit matossage. Il y a un truc qui est bien, c'est que les voiles sont en grande partie sur le pont, sauf que quand le pont est baigné de flotte, elles pèsent toutes 100 kilos. Ce sont les Douze Travaux d'Hercule ! Le bateau ça va, il y a deux trois bricoles qu'il faudrait que je finisse de réparer quand ce sera plus stable, plus facile. Le portant c'est une allure où le bateau peut rouler. J'arrive à me nourrir, ce n'est pas trop difficile, ça prend moins de temps. Par contre, dormir c'est plus compliqué. Cette nuit ce n'était pas facile. On est toujours un peu en alerte quand le bateau approche les limites. Il faut qu'on trouve des moments où le bateau va vite plus facilement ".
Régate à l'échelle du globe
Avec seulement 70 milles d'écart entres les quatre premiers après vingt-quatre jours de course, la régate planétaire tient ses promesses. Un jeu auquel Bernard Stamm s'attendait et qu'il explique justement par cette émulation constante. Une partie à laquelle il est forcément heureux de prendre part : " C'est fou, les bateaux sont très proches. Après il y a un rythme qui est donné par la course qui fait que les bateaux se maintiennent un peu ensemble. Quand il y en a un qui booste, les autres essaient de revenir et après l'inverse. Ce qui est difficile, c'est de voir partir les autres. Là c'est bien, j'ai pu recoller un petit peu. Mais quand on est derrière ce n'est pas très bon. On ne sait pas quand les autres vont nous dire au-revoir ".
Pas question donc de se laisser distancer dans les prochains jours, d'autant que tous vont devoir affûter leur sens stratégique pour rallier la prochaine porte des glaces imposée par l'organisation. Une marque de parcours remontée de 11° par rapport à sa position initiale et qui vient corser la donne. La question de savoir comment la passer occupe les esprits de tous les solitaires : " Pour l'instant il y a une stratégie pour la porte parce qu'il y a un bel anticyclone dessus. Il faut essayer de trouver l'endroit pour passer. Il pourrait y avoir des écarts mais il faut aller la chercher, c'est comme ça !"