Bernard Stamm, combattant du Sud

12.12.12, 16:35
Navigation solo © ThMartinez / Sea&Co
Déjà 32 jours de course dans le sillage des solitaires du Vendée Globe et des fortunes diverses à bord de Cheminées Poujoulat. S'improvisant dentiste il y a 48 heures, pour soigner une molaire cassée, Bernard Stamm fait en ce moment toute la démonstration de sa ténacité et de son courage. Pas question pour lui de se laisser dominer par ce pépin physique. Là où généralement les terriens cessent toute activité, le Suisse est entièrement mobilisé sur la marche du bateau et sur la performance, traçant la meilleure route vers la prochaine porte des glaces et surveillant de près l'évolution du cyclone Claudia, annoncé comme invité du week-end. Il y a quatre ans, jour pour jour, le navigateur était contraint à l'abandon dans ce tour du monde. Mais cette édition est une autre histoire et ce 12-12-12 un autre jour...

L'image a fait le tour des écrans des aficionados du Vendée Globe, en dépassant largement les frontières, tant elle donne froid dans le dos... et fait mal aux dents. Car c'est justement de ce sujet dont il fut question à bord de Cheminées Poujoulat pendant quelques jours. Bernard Stamm filmant en direct la "réparation" de sa molaire cassée, à coup de lime... voilà bien une séquence qui devrait rester dans les annales de la course. Intervention déjà délicate dans le cabinet d'un dentiste, que dire quand elle est opérée par le "malade" lui même, dans le Grand Sud, à bord d'un bateau chahuté par les éléments. Mais loin de s'appesantir sur la gêne que cela peut bien représenter, le skipper élude presque poliment la question quand elle lui est posée en ce mercredi : " C'est stabilisé. Je n'ai pas de douleur pour l'instant, je touche du bois ".

Rencontre frontale
Inconfortable à souhait, le marin suisse ne fait pas de cet incident remarquable une montagne. C'est que pour le compétiteur qu'il est, la priorité est ailleurs et d'abord dans cette navigation à pleine vitesse qui va lui imposer d'ici peu une rencontre avec un front froid : " Tout va bien à bord, il y a un front froid en approche . Je ne suis pas loin d'empanner et de descendre dans le Sud. Il n'y a pas d'ambiguïté sur le moment où il faudra empanner. Pour l'instant ça va bien. Je suis toujours dans mes bricoles mais ça va. Je suis sous solent, un ris, au portant, mais ça ne va bientôt plus suffire. Il va falloir renvoyer quelque chose, je ne sais pas quoi encore. Sous le front il y a souvent des grains avec du vent très fort, je préfère donc assurer le coup ".

Pas d'épuisement
Soumis à des moyennes de vitesse extrêmement élevées - 18/19 nœuds - les hommes doivent encaisser les coups de butoir du bateau, le bruit assourdissant des ventres en carbone et faire fi d'une humidité et un froid constants. Des conditions de vie souvent à la limite du supportable, qui compliquent nombre de détails du quotidien : " Ca tire sur l'organisme quand même, parce qu'à côté de ça, on essaie de réparer les dégâts qu'il y a sur le bateau. Ce ne sont pas des conditions très bonnes pour bricoler. C'est trempé à l'intérieur, il ne fait pas très chaud. Il y a un vacarme terrible et ça secoue dans tous les sens. Quand on est concentré sur la marche du bateau, on anticipe un peu les mouvements. Quand on bricole, on est totalement secoué de droite à gauche, sans pouvoir anticiper donc c'est assez pénible. J'arrive à me reposer 4/5 heures, soit 5/6 fois 45 minutes à peu près. Ce n'est pas trop mal. Ce n'est pas suffisant mais c'est bien pour recharger les batteries. Il y a de la fatigue, mais pas d'épuisement ".

Pour autant, en avant de la flotte la bataille fait rage et en la matière, pas question de se laisser distancer. Depuis le coup d'envoi de ce Vendée Globe, les protagonistes se livrent à une véritable régate au contact qui en dit long sur les performances des montures et sur le niveau d'engagement des hommes. Quatrième à 150 milles du leader, Bernard Stamm n'est qu'à 75 milles du troisième, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec). Une broutille à l'échelle de la globalité du parcours. Un écart faible qu'il entend bien faire fondre dans les plus brefs délais : " On s'attendait à ce que les bateaux soient proches. On avait vu à l'entraînement qu'ils étaient extrêmement proches en performance. Tout le monde s'est plus ou moins bien préparé et tout ça fait qu'il ne peut pas y avoir d'énormes écarts. Mais c'est quand même surprenant après un demi tour du monde. J'essaie de m'accrocher comme je peux, avec le travail qu'il y a à faire à bord pour remettre en état et mobiliser tout le bateau. Mais c'est sûr que j'essaie de ne pas me laisser faire ".

Week-end avec Claudia
Si le skipper de Cheminées Poujoulat a donc bien l'intention de continuer à avoir son mot à dire dans la discussion qui se déroule à l'Ouest de l'Australie, il n'est guère le seul. Scrutée de près sur les fichiers météorologique, la dénommée Claudia, cyclone venu du pays des Kangourous de son état, entend également faire parler d'elle dans les jours à venir, venant titiller les marins dans leur trajectoire vers la prochaine porte des glaces : " Ca a l'air d'être à peu près droit comme route, mais il y a quand même un phénomène à surveiller. C'est un cyclone qui s'appelle Claudia, qui descend de l'Ouest de l'Australie et qui vient croiser notre route, peut-être derrière nous ou sur nous. Je ne sais pas exactement quand il arrive mais peut-être dans 4/5 jours. Là ça bouge à peu près de la même manière depuis 2/3 jours . On le voit bien sur les photos satellites. D'après les fichiers qu'on a, il perd de sa puissance quand il rentre dans le Sud, il vient mourir. Mais ce n'est jamais très bon. C'est de toute façon un phénomène qui casse la météo normale ".

Casser la météo peut-être, mais certainement pas la fête de Bernard Stamm et Cheminées Poujoulat. Le souvenir d'il y a quatre ans passera comme une ombre, mais ne s'installera pas. Car son rendez-vous attendu avec le Vendée Globe est résolument en cours.

Les médias associés

VIDEOS

Newsletter

Twitter

Facebook