Pour les terriens, il sonne comme le rocher de la délivrance. Pour les marins, il est le premier obstacle terrestre depuis longtemps, le dernier des trois promontoires qui jalonnent le parcours de cette Barcelona World Race. Dans quelques heures, Bernard Stamm et Jean Le Cam seront les premiers concurrents de la troisième édition de ce tour du monde en double à saluer le cap Horn, devançant leurs poursuivants de 1 000 milles. Un passage qui devrait se faire aux environs de 21 heures locales, soit minuit heure de Paris pour Cheminées Poujoulat.
A eux deux ils totalisent près de dix passages de l’extrémité sud du continent américain et en "habitués " des lieux, peinent à dresser une liste exhaustive de leurs rencontres avec le célèbre caillou. La nuit prochaine, Bernard Stamm et Jean Le Cam présenteront une nouvelle fois leurs hommages au Horn. Des retrouvailles qui éveilleront certainement quelques souvenirs ainsi que l’évoquait ce mardi le skipper de Cheminées Poujoulat : " J’ai toujours passé le cap Horn avec 30 nœuds de vent et des nuages. Jamais beau, jamais mauvais ! On va être content de passer le caillou, on va certainement se raconter un ou deux trucs et puis on va continuer notre petit bonhomme de chemin ". Et le Suisse de rajouter : " Le cap Horn est un passage important dans un tour du monde, un peu mythique. Mais on ne va rien célébrer du tout, on va juste essayer de le passer proprement. C’est le premier obstacle terrestre que nous rencontrons depuis le Cap Vert et ce n’est pas le plus petit parce que toutes les conditions sont réunies pour avoir des phénomènes violents. Mais le passage du cap Horn marque surtout le fait que tu as le droit de remonter au Nord, que tu peux choisir ta trajectoire ".
Clignotant à gauche
Gagner dans le Nord enfin, ce passage du cap Horn va en effet marquer la possibilité de mettre le clignotant à gauche et pointer à nouveau l’étrave de Cheminées Poujoulat dans l’océan Atlantique. Mais ce retour dans son jardin ne se fera pas immédiatement. Il faudra en effet attendre cinq à six jours avant de quitter les 40èmes et donc laisser dans le sillage les mers du Sud. D’ici là, il leur faudra composer avec des conditions caractéristiques de cette région du globe avec des vents de 20 à 25 nœuds d’ouest. Un schéma qui devrait évoluer d’ici à la fin de la journée : " Le vent va adonner et nous éloigner du caillou en se renforçant. Ce sont des conditions typiques du cap Horn qui résultent de la combinaison de la météo générale et des effets de site ". Il faut donc s’attendre à un passage dans les règles de l’art et à des conditions évoluant à la hausse jusqu’aux Malouines.
L’heure des choix
Derrière, le dernier tiers du parcours se présentera et c’est dans la complexité qu’il débutera. Un scénario détaillé par le menu par Bernard Stamm : " Il y a deux complications majeures qui s’annoncent, à commencer par les îles Falklands, un gros archipel qu’il faut choisir de laisser à bâbord ou à tribord et qui va conditionner la négociation de l’anticyclone. Ce choix va devoir être fait au cap Horn et pour le moment, ce que nous savons c’est que nous ne savons pas par où passer ! Ensuite, la navigation va changer. On était majoritairement au portant ou au reaching depuis un moment. Une fois négociées les dernières dépressions, on va commencer à avoir du vent de face ".
Le changement est donc proche pour les hommes de Cheminées Poujoulat qui n’en sont pour autant pas au bout de leur course, loin de là. Après un mois de grand Sud, dans des conditions que Jean Le Cam qualifiait bien volontiers de " houleuses, venteuses et froides ", un nouveau chapitre s’ouvre. Le dernier de ce tour du monde qui ne sera pas le plus simple, la fatigue des hommes et de la machine venant s’accentuer sur un rythme toujours plus soutenu.
Certes le Horn est là, mais la boucle loin d’être bouclée.