" Peu de manœuvres, mais beaucoup de concentration sur les réglages et la conduite du bateau ", c’est ainsi que Bernard Stamm et Jean Le Cam avait défini leur programme pour cette deuxième partie de semaine. Les co-skippers de Cheminées Poujoulat ne se sont pas trompés, en revanche, il y a un paramètre qu’ils n’avaient pas pu anticiper et qui leur donne bien du fil à retordre depuis le passage du Pot-au-Noir, ce sont les sargasses. Ces algues brunes de la famille des Sargassaceae dont les frondes peuvent atteindre jusqu’à 12 mètres de long, pullulent, en effet, sur leur route, à 400 milles au sud-ouest de l’archipel du Cap Vert. Les leaders de la Barcelona World Race, pourtant bien calés au près dans des alizés de nord-est modérés, doivent constamment rester à l’affût afin d’être ralentis le moins souvent possible.
" Nous avons entre 12 et 20 nœuds de vent, ce qui nous convient bien car plus, ça lèverait de la mer et au près, ce ne serait pas franchement très agréable, et moins, ça serait plutôt mou. Le hic, par contre, c’est que nous avons énormément d’algues depuis la sortie du Pot-au-Noir. A certains moments, nous traversons des lignes de plus de 150 mètres de long, de véritables tapis qui rendent l’océan tout jaune. Quand c’est le cas, nous n’avons même pas besoin de regarder, nous sentons tout de suite la machine ralentir. C’est assez pénible. Nous avons un peu l’impression de naviguer avec un boulet accroché au bateau ", pestait gentiment Bernard Stamm, ce matin au téléphone, au même instant où Jean Le Cam se mettait bout au vent afin de se débarrasser d’un paquet d’algues coincé dans la quille et les safrans. " Il est tout simplement impossible de les éviter. Au début, nous faisions en sorte de les enlever systématiquement mais c’était beaucoup d’énergie gaspillée pour renouveler l’opération quelques minutes après, encore et encore. Du coup, maintenant, nous le faisons seulement lorsque ça cavite ou que ça n’avance plus du tout ", a détaillé le navigateur, également focalisé sur les fichiers météo des jours à venir.
Plusieurs scénarii possibles sur la route de Gibraltar
Pour l’heure, le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation n’est pas très claire, la faute à un système dépressionnaire instable sur sa route. " Tout va dépendre de s’il descend ou non. C’est lui qui va conditionner notre trajectoire pour monter. Aujourd’hui, on ne sait pas comment il va évoluer. D’ailleurs, les fichiers ne sont pas d’accord entre eux. Pire, un modèle peut être différent d’un jour sur l’autre. C’est franchement flou et ce n’est que dans deux ou trois jours que nous aurons une idée un peu plus formelle de ce qui nous attend pour finir la course ", a indiqué Bernard qui élimine toutefois un scénario : celui d’aller raser les côtes africaines. " En attendant que ça se précise, nous évitons de nous prendre la tête car nous n’avons pas le choix, nous devons faire du près et nous rapprocher le plus rapidement possible ", a terminé Bernard qui se voit dépasser la latitude du Cap Vert d’ici un jour et demi ou deux... et qui espère que les algues disparaissent le plus vite possible.